Le fossé entre l’assurance récolte payée aux producteurs de foins de la région et les pertes réelles qu’ils ont subi en 2023 ne semble pas être près de rétrécir, avec un écart d’un peu plus de 5 millions de dollars. La Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) d’Abitibi-Témiscamingue demande donc « une intervention spéciale du ministre de l’Agriculture afin de soutenir les producteurs et productrices qui ont été fragilisés par la sécheresse de 2023 ».
À l’instar de ses deux prédécesseurs, le dernier versement de l’assurance récolte foin du 22 février a grandement déçu les agriculteurs témiscabitibiens.
Ce troisième versement d’un total d’environ 6,6 M$ est partagé entre 214 entreprises de la région. Un montant moyen de 58 000 $ a été versé aux productions de l’Abitibi-Ouest et une moyenne de 31 000 $ par entreprise dans les autres secteurs de l’Abitibi-Témiscamingue, ce qui est loin d’être suffisant pour amortir les pertes catastrophiques générées par la saison dernière, marquée par la sécheresse et les feux de forêts.
En conférence de presse le 21 septembre dernier, l’UPA d’Abitibi-Témiscamingue avait fait part de ses inquiétudes à la Financière agricole du Québec (FADQ), qui administre l’assurance récolte, et au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), quant à la façon d’analyser les pertes encourues dans les productions fourragères de la région.
« Nous prenons les devants aujourd’hui pour montrer que la sécheresse et le gel hivernal n’ont pas affecté que la première coupe, mais aussi la deuxième. Notre grande crainte est que la FADQ se fie uniquement à ses grilles d’analyse et juge qu’il y a eu suffisamment de pluie et qu’il n’y ait pas ou peu de compensation pour la deuxième coupe. Or, ils doivent se déplacer sur le terrain pour venir voir les dommages. C’est une situation exceptionnelle et unique et la situation devrait être traitée comme telle », avait déclaré le président de la Fédération régionale de l’UPA, Pascal Rheault.
« Après la première coupe, on espérait pouvoir se reprendre avec la deuxième. Mais il y a encore moins de foin que lors de la première. Si bien que l’on a décidé de ne pas couper certains champs qui auraient coûté plus cher à récolter que la valeur du foin que l’on aurait pu y récolter. On n’a jamais rien vu de tel », avait également témoigné Éric Migneault, propriétaire de la ferme DEM Migneault Inc. du quartier Mont-Brun, à Rouyn-Noranda.
L’appel de l’UPA ne semble pas avoir résonné à la FADQ puisqu’elle n’a pas tenu compte de l’état réel des plantes au champ affectées par la sécheresse, mais seulement de la pluie captée au mois d’août pour calculer les pertes de la deuxième coupe.
Bien que « la FADQ reconnaît elle-même que les pertes de foin sur le terrain ont été de 48,9 % (…), selon ses critères d’analyse basés sur les données de stations météo, les pertes n’auraient été que de 10,1 % » a précisé l’UPA de l’Abitibi-Témiscamingue. Plusieurs entreprises sont ainsi mises en péril, forcées d’assumer la différence de 38,8 % de pertes.
« On se retrouve dans une situation où la FADQ reconnaît que les dommages ont été plus grands que ce qu’elle a payé aux producteurs, mais elle ne versera rien de plus. Donc, en plus d’avoir payé leur franchise de 5,6 M$ et leur cotisation annuelle, les producteurs devront aussi assumer ce que leur assureur refuse de leur verser. Ça ne fait aucun sens et on va défendre les producteurs et productrices », a déploré Pascal Rheault.
Malgré le fait que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, ait demandé à la FADQ « d’étirer le cadre au maximum » pour que les indemnités s’ajustent à la réalité du terrain, la façon de récolter les données et de les analyser n’a pas été modifiée.
La FADQ de son côté assure avoir « analysé les situations exceptionnelles qui ont été signalées dans divers secteurs de la province afin d’établir précisément les pertes encourues par les assurés et les assurées » au cours des derniers mois, et d’avoir considéré « l’ensemble des fauches, des options de coupes et des causes de dommages ainsi que le traitement des situations exceptionnelles ».
Des conséquences déchirantes
La production animale de la région se retrouve en situation précaire, alors que les deux premières avances de l’assurance récolte foin n’ont pas suffit à renflouer les coffres. Certains propriétaires de fermes ont même dû prendre la difficile décision de vendre des animaux, faute d’argent pour acheter le foin nécessaire pour les nourrir.
« Ça aura des conséquences sur plusieurs années, car les producteurs, qui ont vendu une partie de leur troupeau, auront moins de revenus dans les prochaines années. Ça fragilise l’agriculture régionale. Pourtant, on ne demande pas la charité. On souhaite que l’assurance, pour laquelle les producteurs paient, comble les dommages causés par la sécheresse », a indiqué le président de la fédération régionale de l’UPA.