Lundi, 16 septembre 2024

Pour la protection de Nanikana

Publié:
Joanie Duval
Joanie Duval
Journaliste
Lancé le 29 mai dernier, « Nanikana est le premier livre de Rodrigue Turgeon. Photo: Maude Desbois
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La lecture du premier livre de Rodrigue Turgeon est à la fois fluide et tumultueuse à l’image de Nanikana. C’est le récit d’une aventure sur ce fleuve qu’on appelle la rivière Harricana, mais aussi une prise de conscience des erreurs du passé et un appel à l’action pour le protéger. 

« Oui le voyage a été transformateur en lui-même, mais le livre aborde beaucoup plus que ce qu’on a vécu. Le personnage principal c’est Nanikana. L’histoire est centrée sur le fleuve », a déclaré l’auteur qui relate dans son essai le périple de 26 jours de canotage qu’il a accompli en compagnie de son frère, Gabriel Turgeon et de deux amis, Gilles Gagnon et Sébastien Brodeur-Girard.

Avocat, co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine et coresponsable du programme national MiningWatch, Rodrigue Turgeon offre un plaidoyer pour la protection et la survie de Nanikana le fleuve.

« De Amos jusqu'à Moosonee, cet essai narratif captivant à la fois personnel et littéraire explore les enjeux liés aux projets de développement hydroélectrique et minier menaçant la région, tout en mettant en lumière la relation millénaire des peuples anicinape et eeyou avec ce fleuve. Le livre se distingue par son approche inclusive, valorisant la toponymie et les langues autochtones, donnant la parole à différentes voix, incluant une douzaine d’aîné·es, de parents et de canoteurs autochtones », a lancé comme description l'éditeur du livre.

D’entrée de jeu, Nanikana (Édition L’Esprit libre) aborde l’appellation d’Harricana et déboulonne les mythes de son origine. Conclusion : c’est une invention coloniale qui ne veut rien dire.

Extrait : « La voie principale. Voilà comment les Anicinapek l’appelaient principalement et l’appellent toujours principalement. Voilà comment l’État devrait l’appeler. Voilà comment elle s’appelle. Aussi simple que ça. »

Outre des faits et de l’action, on retrouve dans Nanikana de magnifiques illustrations de l’artiste Geneviève Bigué. Un accompagnement idéal pour les descriptions imagées de l’auteur sur le fleuve et ses occupants.

Une démarche loin des rapides

Le périple sur Nanikana n’a pas été de tout repos pour Rodrigue. Sa démarche d’écriture lui a permis de revivre ses aventures avec du recul loin des remous.

« J’ai vécu l’expérience sous un régime de terreur. Les rapides m’effrayaient. Revivre tout ça en sécurité m’a permis de revivre les beaux moments et d’en apprendre plus sur Nanikana. Toutes les discussions que j’ai eues, étaient riches en histoire. De pouvoir tisser une toile autour de tous ces récits est un grand privilège », a-t-il commenté.

Le livre a été en développement pendant trois ans. Les deux premières années, Rodrigue Turgeon a eu de nombreuses discussions avec sa maison d’édition « pour trouver le bon angle, pour choisir la bonne approche ». Ensuite, la troisième année a été consacrée aux recherches sur la vraie histoire de la dite « rivière Harricana », à la récolte de témoignages et à la rédaction.

« Ce qui m’a vraiment épaté, c’est la vision commune que les aînés, les canoteurs, issus de différentes communautés, qu’ils avaient tous, en dépit de leur identité propre. Ça m’a ému qu’à la racine de ce qu’ils ont comme message, nous avons la même pensée de protéger Nanikana », a témoigné Rodrigue.

Nanikana est rhytmé par ces nombreux témoignages qui accompagnent le récit du périple de son auteur et de ses compagnons sur le fleuve. 

Liées par Nanikana

Rodrigue a voulu offrir à deux femmes qu’il connaît l’occasion de partager leur vision du fleuve Nanikana. Il s’agit de Isapen Mapitce et de Donna Ashamock. L’une a rédigé la préface et l’autre le postface. Toutes deux livrent un appel à la protection de Nanikana.

« Ce sont des femmes qui ont un message très fort, très ancré. Le message qu’elles partagent, je considère que c’est plus puissant que le reste du livre. Puis ce qui m’a beaucoup touché, c’est que c’est deux femmes qui ne se connaissent pas, issues de deux nations différentes, deux provinces différentes, séparées par des centaines de kilomètres, mais reliées par un fleuve qu’elles veulent protéger. Sans qu’elles aient lu leur texte respectif, leur message est le même », a précisé l’auteur de Nanikana

Ce livre est une véritable et belle occasion d’en apprendre beaucoup sur un cours d’eau que nous avons vraisemblablement pris pour acquis, et par le fait même de répondre présent à l’effort de protection indispensable à la vie sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue.

« Si on veut offrir aux gens de la région d’être fiers, il faut protéger Nanikana », a conclu Rodrigue Turgeon.

Rodrigue Turgeon lors du lancement montréalais de son livre. Photo: Maude Desbois