« Les touristes qui visitent l’AT forment un club sélect! » - Randa Napky


Peu après le célèbre « bogue » de l’an 2000, Randa Napky prenait les rênes de Tourisme Abitibi-Témiscamingue. Un quart de siècle plus tard, le visage touristique de la région s’est transformé! MediAT a invité la directrice générale, qui quittera ses fonctions en juin prochain, à faire un retour sur les 25 dernières années.
Quel a été le plus grand changement en 25 ans?
En 2006, on a causé une petite révolution quand le conseil d’administration a choisi de développer le tourisme pour le citoyen d’abord. On allait à contre-courant. On nous disait d’étudier l’exigence des marchés et d’adapter notre produit aux gens de l’extérieur. Pourtant, quand on connaît les gens de l’AT, c’est non. On préfère rester authentiques. À partir de ce moment, on a intéressé les élus municipaux et la députation à l’activité économique touristique : 67 municipalités ont signé la charte d’engagement et on a assisté à la création d’une multitude de festivals, d’attraits et d’activités. On est passé de 225 à 450 membres en 25 ans.
Le tourisme est-il devenu une force économique?
Absolument! Avant, on n’était pas considéré comme une industrie. Aujourd’hui, en région, on parle de l’importance des industries minière, forestière, agricole et… touristique! On existe. Évidemment, la chasse et la pêche attiraient déjà les Américains et plusieurs attraits intéressaient les touristes en général, mais l’impact du tourisme sur l’économie n’avait pas l’attention qu’il mérite.
Quelles sont vos plus grandes fiertés?
On a investi des millions pour financer nos attraits et nos festivals avec l’entente de partenariat en tourisme. Par exemple, sans l’ATR, il n’y aurait peut-être pas de FME. Aussi, il y a plus de 450 murales et sculptures qui sont apparues sur le territoire. Les municipalités se sont mises à fleurir, à verdir et à ramasser les entrées des municipalités. La 117 s’est ramassée un peu. On a créé un rapprochement avec les communautés autochtones qui ont créé leur propre organisation, Minwashin.
Culturat occupe cependant une place spéciale dans votre cœur.
Oh oui! Culturat a positionné l’AT comme une région innovatrice auprès des ONG internationales et de notre réseau québécois. On a prouvé que le fait identitaire et la culture étaient sources de mobilisation d’une société. Nos partenaires ont présenté Culturat à Buenos Aires, Bilbao, Kyoto et Rome. On a été publié dans le magazine de l’Organisation mondiale du tourisme à titre d’exemple.
Qu’est-ce qui nuit le plus au tourisme en AT?
La distance.
Pourtant, la route entre Montréal et Val-d’Or prend environ 5h30, tout comme pour aller à Rimouski. Et ça prend 5h pour se rendre à Chicoutimi. C’est similaire.
Oui, mais les gens trouvent qu’on est loin, parce que la Réserve faunique La Vérendrye qu’il faut traverser donne l’impression que l’AT est un territoire isolé. Tout le monde aimerait qu’on dise qu’on n’est pas si loin que ça, mais nous sommes loin. Je le vois comme un avantage. L’AT, ce n’est pas fait pour tout le monde. Ceux qui viennent chez nous, c’est un club sélect : des aventuriers et des gens qui aiment notre authenticité. Il y a quelque chose ici qu’on ne retrouve pas ailleurs.
Quels marchés visez-vous principalement?
C’est difficile de séduire les Québécois, parce qu’ils doivent dormir au moins 4-5 nuits pour venir chez nous. L’an dernier, on a donc fait un virage à 180 degrés pour s’adresser aux gens de l’Ontario. Ce n’est pas trop loin pour eux. Ils peuvent faire une escapade d’une nuit ou deux. On a fait quelques efforts et il y a eu des Ontariens qui sont allés jusqu’à Val-d’Or. Cette année, on met le paquet avec une magnifique campagne.
Pourquoi l’AT est-elle souvent la dernière région visitée par les amoureux du Québec?
Parce qu’on a toujours été associé à une région ressources. La firme Léger a mené une enquête sur l’attractivité de la région pour s’y installer et les gens disaient qu’on est trop loin, qu’il y a juste des mines et des forêts, et qu’il n’y pas de jobs… alors qu’on en a plein. C’est pour ça que l’ATR a décidé de dire : « Ça va faire d’avoir honte d’être une région ressource. » On a les meilleures minières au monde au niveau des pratiques responsables, même si ce n’est pas parfait. On doit devenir fiers d’être une région ressources.
Que souhaitez-vous au tourisme régional dans le futur?
On veut des touristes, sans devenir une région de tourisme de masse. Nos richesses se méritent, ce qui inclut le capital humain qui habite le territoire. On est une région atypique et originale. Notre culture a été forgée par environ 70 nationalités à travers l’histoire, ce qui nous a donné une ouverture sur le monde et une autonomie. On doit être davantage conscient des forces de notre territoire.