

À partir du 22 juin prochain, le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue fermera l’Unité interne de soins en santé mentale du Centre hospitalier d’Amos. Pourquoi? En raison du manque criant de main d’œuvre spécialisée. Krystina Sawyer, la directrice des programmes santé mentale et dépendance, itinérance et services sociaux généraux, fait le point sur les causes, les conséquences et les solutions.
Quelle est la cause de cette fermeture?
L’unité interne de santé mentale d’Amos est dans une situation particulièrement critique : 6 des 10 postes d’infirmières et d’infirmières auxiliaires sont comblés par de la main d’œuvre indépendante (MOI). On est donc à très grand risque de devoir fermer en catastrophe durant l’été, en raison du retrait graduel des MOI. La criticité de cette unité est amplifiée, parce que ça prend un profil particulier pour travailler dans une unité de soins en santé mentale et parce que c’est une petite équipe. Dès qu’une personne quitte, plusieurs quarts de travail deviennent vacants sur une courte ou une longue période.
Comment expliquez-vous ce manque main d’œuvre en général?
Depuis 2021, on a nommé clairement qu’il y aurait une pénurie allant jusqu’à 500 infirmières en 2028 partout en Abitibi-Témiscamingue Depuis, on a fait plusieurs actions d’attraction et de recrutement. Nos démarches ont permis, entre autres, de recruter 79 étudiants infirmiers diplômés hors Canada, 27 infirmières recrutées en France et en Belgique qui demeurent actives au sein de l’organisation et 22 infirmières MOI plutôt que de maintenir des contrats privés.
Cela dit, vous devez gérer le retrait des MOI dans le milieu de la santé.
Le ministère a fait des démarches pour qu’on n’ait plus accès à de la main-d’œuvre indépendante, afin d’encourager ces professionnels à intégrer le réseau de la santé et à ne pas travailler pour des agences privées. On sait que 96% des MOI qui viennent en Abitibi-Témiscamingue ne résident pas en région. Quand ils quittent leur agence privée, ils sont embauchés à l’extérieur et ils ne peuvent plus venir ici pour nous soutenir. Même si on a recruté 22 personnes qui étaient MOI auparavant, ce n’est pas assez pour répondre à l’ensemble des besoins essentiels et prioritaires en région.
Donc, vous avez choisi de planifier la fermeture temporaire?
Exactement. Plusieurs MOI nous avisent qu’elles ne viendront plus en AT, car elles ont été embauchées ailleurs. On ne veut pas devoir gérer une fermeture d’urgence qui n’est pas structurée en juillet ou en août. On préfère la prévoir avec les horaires d’été pour trois mois. On l’a annoncé hier, le 5 mai, car on a encore plusieurs semaines pour organiser le fin détail avec le personnel directement concerné, les médecins en place, les gestionnaires et les autres secteurs.
Quelles seront les conséquences pour les usagers?
Les personnes qui ont besoin d’être hospitalisées en psychiatrie (ce qu’on appelle des soins aigus) seront transférées à Malartic, La Sarre ou Rouyn-Noranda. Par exemple, une personne qui fait une psychose toxique, une personne qui a besoin de faire ajuster sa médication ou une personne désorganisée sur une courte ou une longue période et qui a besoin d’être hospitalisée dans un contexte de santé mentale.
Vous allez également aménager une salle sécuritaire dans l’urgence.
Oui, si une personne peut être un danger pour elle-même ou pour autrui, elle aura accès à une salle adéquate pour qu’on assure sa sécurité. Nos agents interventions - qu’on garde avec nous - vont assurer une vigie constante sur cette personne.
On veut également ajouter une infirmière de liaison en santé mentale en milieu hospitalier pour soutenir le personnel de la salle d’urgence, afin de bien comprendre la problématique et soutenir le psychiatre dans l’évaluation de cette personne. Si on juge qu’il y a un besoin d’hospitalisation, cette infirmière pourra organiser le transfert ailleurs en région ou vers le milieu communautaire, car nous avons des organismes avec une offre de service répondant aux besoins des usagers.
Que ferez-vous avec les personnes sans domicile fixe qui n’ont pas (toujours) besoin d’hospitalisation en santé mentale, mais qui fréquentent l’unité de soins en santé mentale?
On explore l’idée d’ajouter une infirmière praticienne spécialisée en santé mentale qui pourra se déployer à l’Accueil d’Amos, la ressource d’urgence du territoire qui accueille principalement les gens sans domicile fixe. Elle pourra peut-être répondre à leurs besoins dans leurs milieux pour éviter une hospitalisation.
Par ailleurs, quand une personne arrive intoxiquée, ça ne veut pas dire qu’elle a besoin d’une hospitalisation en psychiatrie. Dans ce contexte, la personne peut avoir besoin de temps pour dégriser et ne plus être en état de consommation. Ensuite, parfois elle quitte. Parfois, elle a besoin d’autres services, comme une hospitalisation en lien avec la santé mentale, qui se fera ailleurs en région.
Qu’espérez-vous pour régler le problème?
Ce n’est pas une question d’argent. On ne souhaite pas non plus faire appel à la main d’œuvre indépendante (MOI) pour répondre aux besoins. Bien que ce sont des gens de très grande qualité, ils n’offrent pas le même niveau de service qu’une personne qui vient de la région, qui connaît les usagers, qui travaille avec nous toute l’année, qui peut revoir les usagers, apprendre à les connaître et savoir comment réagir. Donc, on souhaite recruter des gens qui vont s’installer en Abitibi-Témiscamingue.
Êtes-vous dans une course contre la montre estivale?
Je ne dirais pas ça. Ces démarches prennent souvent plus de temps que l’été, mais nous avons élaboré des démarches de recrutement intensives pour répondre à nos besoins. Dans le cas de l’unité interne de soins en santé mentale à Amos, on veut que les dix postes soient comblés.